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Comment
notre civilisation en est-elle arrivée à perdre accès au langage
symbolique qui permet de parler de l'être, de l'âme, des
vertus et des principes?
Qu'est-il advenu des images qui
ont du sens?
Rappelons que le langage symbolique est nécessaire pour
exprimer la métaphysique, la transcendance, et les
réalités non sensibles comme la Justice, la Fraternité,
etc.
L'absence de symbole réduit tout au signe qui, lui, ne
s'attache qu'aux choses sensibles, par exemple un signe
d'arrêt octogonal au coin des rues ou des logos des
chaînes de restauration rapide.
Réduire le symbole au signe, c'est donc faire de notre
expérience humaine une coquille vide d'âme. C'est
devenir un robot qui répond aux stimulus de ce qui est
accepté par le conscient collectif.
Cette perte de relation au symbole rend la pensée
contemporaine malade. Elle a perdu le sens de
l'analogie. Elle est conformiste, dogmatique. Par
exemple, la pensée dominante contemporaine ne peut pas
imaginer d'autres solutions qu'économiques à la crise
actuelle. Elle ne voit pas que la crise est humaine.
De l'homme libre-penseur et libre-rêveur, on est passé à
l'homme de la masse esclave de ses instincts et manipulé
comme une marionnette par les propagandistes.
Pour aider à réhabiliter le langage du symbole, voyons
trois des aberrations historiques qui ont conduit au
paradigme moderne, à cette société dénuée de sens.
Il y a d'abord le courant positiviste qui a prétendu que
seules existent les choses mesurables, dénombrables.
Quelle place reste-t-il alors à l'art (devenu simple
décoration) et au sentiment religieux (canalisé de nos
jours par les spectacles à grand déploiement des
preachers ou par les pseudo états nirvaniques atteints
dans les ashrams de l'Inde ).
Avec ce positivisme scientifique, nous en sommes arrivés
à un monde de froides statistiques où l'on n'est qu'un
numéro dans la machine sociale.
Les symboles ont aussi subi une réduction de sens par la
psychanalyse freudienne. Toute expression d'un sens
transcendantal y est considérée pathologique. Et cette
pathologie provient exclusivement du "complexe d'Œdipe",
c'est-à-dire le refoulement d'un conflit non résolu lors
de la petite enfance entre la libido et sa censure.
L'erreur de Freud – erreur qui s'est socialisée – est
que les images, les rites, les mythes ne peuvent être
selon lui que des régressions affectives, donc des
maladies. La théorie du complexe d'Œdipe a depuis
longtemps été rejetée mais étrangement, cela ne s'est
pas socialisé…
Troisièmement, les symboles ont aussi été réduits à des
images dogmatiques pour protéger certaines doctrines
puissantes. On est passé de l'imagination symbolique à
la pensée directe qui refoule le transcendant, qui
l'escamote. On ne s'est attaché qu'à la superficie du
sens. L'image s'est fonctionnarisée, elle ne porte plus
de potentiel d'illumination.
De tout cela il résulte que l'impérialisme de la froide
raison a vidé les images de leur sens pour ne laisser
que des coquilles vides. C'est "logique" pour notre
civilisation qui fait la même chose avec la Terre,
vidant celle-ci de ses ressources pour ne laisser que
déserts sans vie.
La crise actuelle a des racines plus profondes que des
malversations boursières. Elle tire ses racines dans
l'indolence collective face à la destruction du sens de
la vie.
-Charles
Goyette
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