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La chute du mur de Berlin n’a pas marqué la fin des
"murs entre les hommes". Deux auteurs sont allés visiter
les murs contemporains et en ont fait un livre de
photographies et d’interviews (1).
Ces murs du déshonneur, blocs de béton et fils barbelés,
concrétisent une situation politique gelée et témoignent
de la difficulté irrésolue de gérer la complexité des
populations, des territoires et des ressources.
Mais cette difficulté est elle-même l'expression
dramatique de l'incapacité de concevoir et de vivre
l'altérité autrement que comme un "obstacle", une
"gêne", une dangereuse "ennemie", menaçant sa propre
vérité dogmatique exaltée et aveuglante.
Curieuse et suspecte ambiguïté, dans un monde qui
quotidiennement fait l'éloge des bénéfices de la
diversité.
Les murs entre les hommes sont la projection extérieure
des murs que l'on se construit à l'intérieur de soi,
imaginant faussement qu'ils puissent être la résolution
des conflits; conflit entre la foi et la raison; conflit
entre la conceptualisation et l'imagination; conflit
entre les raisons du coeur et celles de la tête; conflit
entre la voix profonde et intime de la conscience et les
multiples appels à la satisfaction égoïste des désirs,
etc.
La sagesse des peuples, ou sagesse de l'humanité,
enseigne que la résolution intelligente, créatrice et
transformatrice des difficultés et conflits inhérents à
l’existence humaine, tant au plan personnel que
collectif, exige le pouvoir du dialogue intérieur entre
le coeur et la raison, le global et le détail, le
symbolique et le conceptuel...
... Ce que le Bouddha, et bien d'autres philosophes
à-la-manière-classique, appelaient "la voie du juste
milieu", à surtout ne pas confondre avec une
arithmétique simpliste consistant à diviser en deux
parties égales la somme de deux quantités.
La voie du juste milieu n'est pas un instant de
lucidité, un moment de spiritualité; elle la vie même,
sa vie même, que l'on choisit d'être illuminée par le
Bien, le Beau et le juste.
Les murs qu'elle dresse sont des temples, pas des
prisons.
(1) « Des murs entre les hommes »
Alexandra Novosseloff, Frank Neisse, Jean-Christophe
Rufin.
-Denis Bricnet et Charles Goyette
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