Qui a assassiné Toutankhamon ?
Le célèbre pharaon Toutankhamon n'avait que 19 ans lorsque la mort l'emporta il
y a plus de 3300 ans. Une mort aussi jeune dans un moment de crise politique et
religieuse parut immédiatement très suspecte aux spécialistes qui élaborèrent la
théorie du complot ourdi par le vieux conseiller du jeune pharaon et son
complice le général en chef des armées.
L'examen visuel de la momie de Toutankhamon ne révélant aucune trace de
violence, l'on soutint que le jeune pharaon avait été certainement empoisonné.
En 1968 un examen aux rayons X révélant une sorte d'enflure interne à la base du
crâne, l'on conclut avoir la preuve manifeste que Toutankhamon avait été tué
d'un violent coup à l'arrière de la tête. Comme cela aurait pu être interprétée
comme une blessure fatale de guerre, la théorie du vilain crime politique
neutralisa cette possible mise en cause de sa vérité; Toutankhamon, chétif et
fragile jeune adolescent, aura en fait été envoyé au combat pour qu'il se fasse
aisément tué par l'ennemi; une sorte de meurtre par procuration.
Quelques rares professionnels se risquèrent à émettre l'hypothèse que cette
marque pouvait résulter du processus de la momification. D'autres ajoutèrent que
la théorie de l'enfant chétif était pure spéculation. Leurs arguments
n'ébranlèrent pas la théorie du meurtre qui se maintint jusqu'à tout récemment.
Il a fallu attendre 40 ans avant que la théorie soit de nouveau inquiétée. En
2005 un nouvel examen scientifique fut entrepris en utilisant une nouvelle
technique de balayage d'un faisceau de rayons X permettant de reconstruire les
tissus en trois dimensions (tomographie axiale calculée par ordinateur ou
CT-scan)
La grande majorité des gens, spécialistes inclus, étaient certains que le
CT-scan fournirait une bonne fois pour toute la preuve irréfutable du meurtre de
Toutankhamon.
Présentant les résultats du CT-scan, Zahi Hawass, égyptologue et secrétaire
général du Conseil suprême des Antiquités égyptiennes a déclaré que Toutankhamon
" n'a pas été assassiné comme beaucoup de gens le croient".
Les spécialistes n'ont pas trouvé de preuves que Toutankhamon avait été frappé à
la tête. Les résultats récusent aussi bien la thèse de l'empoisonnement que
celle de l'assassinat par un violent coup sur le crâne. "Les deux hypothèses
sont fausses".
Le trou parfaitement circulaire à la base du crâne que le CT-scan a mis en
évidence a été fait au cours de la momification. De plus, deux autres hypothèses
tenaces ont été contredites: le jeune Toutankhamon n'était pas chétif mais
sportif et en pleine forme; la momification n'a pas été faite précipitamment
mais avec un soin extrême.
De plus le CT-scan montre une fracture ouverte sévère juste au dessus du genou
de la jambe de Toutankhamon. Parmi les experts, certains pensent qu'une
surinfection de cette blessure ouverte a causé la mort de Toutankhamon; d'autres
croient que la fracture vient d'une mauvaise manipulation au cours de la
momification. Mais tous s'accordent pour dire que rien ne prouve que
Toutankhamon ait été assassiné.
Ainsi donc la théorie du meurtre n'aura été que pure projection du présent sur
le passé.
Il faut apprendre à se méfier et à éviter autant que ce peut de telles
projections.
Toute culture possède une spécificité originale et intéressante. Mais lorsqu'une
culture donnée projette sa spécificité sur les autres cultures en se posant
comme principe d'explication de ce qui lui est étranger, elle tourne le dos à la
possibilité de vivre en paix dans la diversité des visions et compréhension de
la vie. C'est une position doublement perdante; d'abord du fait de la méprise
quant à l'autre, puis de ce qui en résulte; la perte de l'enrichissement pouvant
naître de la rencontre entre les différences.
Apprendre à regarder sans se projeter est faire preuve d'un réel esprit et
authentique attitude d'ouverture; c'est un pas essentiel vers la fraternité
au-delà de toute distinction que chacun rêve de voir un jour frapper aux portes
de nos sociétés modernes.
Combien d'hypothèses artificiellement fondées, ou non fondées du tout, simples
projections, mais tenaces, des aliénations de notre temps, bloquent l'accès aux
richesses de la différence, aux trésors inestimables de l'expérience de
l'humanité?
Car, en l'espèce, qui pouvait croire qu'une époque qui assassine ses chefs
d'états puisse nous enseigner quoique ce soit ?
Denis Bricnet
(Montréal)
3 novembre 2007 |
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