Bien écrire, un luxe inutile ?

 


 
 

 

 

Notre siècle s'est ouvert sur une réduction de l'écriture à ses fonctions utilitaires les plus simples, soit "communiquer des informations" et "exprimer son avis".

Comme l'écrit Michel Ribon dans Mystères et magie de l'écriture, l'écriture a d'autres fonctions beaucoup plus complexes: "…la plus belle œuvre, la plus attachante, est celle qui, malgré la clarté et la limpidité de son langage, garde longtemps dans sa profondeur son secret."

Plus qu'une mode, c'est une mentalité de l'instantanéité qui tend à limiter le champ d'expression de l'écrit aux abréviations cryptiques des textos et aux 140 caractères de Twitter. C'est aussi une relation difficile avec les règles de l'écriture qui ronge tout respect de l'orthographe, de la grammaire et de la morphosyntaxe – qui constituent le code de base pour que l'on se comprenne.

L'origine de nos problèmes – quels qu'ils soient - est à chercher dans les mentalités et non dans les moyens techniques. Les auteurs classiques n'avaient par exemple pas la centième partie des moyens dont nous disposons. Ils ont pourtant pu réaliser dans tous les domaines des chefs-d'œuvre qui nous éblouissent encore.

Pour s'exprimer par l'écriture, il faut d'abord que l'on ait trouvé une "voix" en soi. Bien écrire va donc être possible pour ceux qui, en plus d'une vie active dans le monde externe, ont une vie intérieure développée et bien réelle.

La tendance actuelle est à l'atrophie de la vie intérieure et à l'hypertrophie de la vie mondaine.

Qui aujourd'hui s'offre encore des moments de solitude, de silence, en somme de cette hygiène essentielle de l'âme? N'avons-nous pas donné trop d'importance aux interruptions de la vie mondaine - ceux des téléphones mobiles, des courriels, des iPods - dans les rares moments qui pourraient encore être nôtres?

Qui aujourd'hui résiste à la précipitation du monde pour prendre le temps de bien écrire, tel un artisan qui repasse mille et une fois sur son œuvre, se perfectionnant lui-même dans une symbiose croissante avec la substance qu'il travaille?

Pour bien écrire, il faut en outre se cultiver. L'ère de l'accessibilité instantanée aux données ne nous a pas apporté plus de culture. Cette dernière s'acquière par un lent processus d'approfondissement des connaissances. Il ne suffit pas de disposer d'un savoir encyclopédique pour être cultivé. Il faut que le savoir ait des racines en nous-même et que de ces racines pousse un "arbre de la connaissance" dans le cœur, siège de toute connaissance véritable.

Bien écrire n'est ni un luxe, ni inutile. C'est rendre accessible le meilleur de soi. C'est vouloir changer le monde. Dans les mots de Michel Ribon: "...écrire pour l'époque n'est pas refléter de façon passive la réalité de ses situations qui font problème, c'est vouloir dépasser celles-ci vers l'avenir: c'est cet effort pour changer l'époque qui installe l'écrivain, ainsi engagé profondément en elle."


-Charles Goyette

   

31 juillet 2009

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