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Le Dr Norman Lewis, lors d'une
conférence au Mobile Internet World à Boston, a décrit
les adolescents occidentaux comme une génération "qui
veut connecter le monde entier à sa chambre".
Si le virtuel devenait le moyen prédominant de se relier
au réel, la difficulté de s'intégrer au monde concret
s'aggraverait certainement d'autant. Le virtuel au
détriment de l'actuel est une réduction du réel qui
donne l'illusion d'avoir un plein contrôle sur sa vie - et possiblement sur la vie d'autrui.
L'abus d'une existence "virtuelle" a ceci de nocif
qu'elle réduit le champ de perception de l'individu. Il
y a par exemple un immense fossé entre regarder sur un
écran la simulation d'une marche en forêt et l'acte
concret de faire cette marche.
L'acte réel offre d'excellentes possibilités pour
élargir le champ de perception car toute la complexité
de la nature s'y trouve: les odeurs subtiles, les ombres
et la lumière, les textures et les couleurs si variées,
les sons, l'harmonie de l'ensemble, l'immersion dans un
tout plus grand que soi… Aucune technologie ne pourra
jamais remplacer cela. C'est une expérience globale.
Développer une éducation qui favorise l'épanouissement
global de l'individu a toujours été une préoccupation
importante pour la philosophie "à la manière classique". A
titre d'exemple, le philosophe Platon décrit une
éducation basée sur la gymnastique pour l'exercice du
corps et sur la musique - soit l'ensemble des arts et des
sciences - pour l'exercice de l'âme.
Cette éducation à la fois distingue et relie
dynamiquement la raison utilitaire et l'imagination
créatrice. Le divorce entre ces deux pouvoirs de la
conscience ouvre les portes à la fantaisie et au
désenchantement du monde concret.
Si le virtuel est intelligemment relié à l'actuel, de
bonnes choses peuvent certainement en résulter. Mais
s'il s'en sépare, dans le vain espoir de se suffire à
lui-même, ce virtuel risque fort de n'être qu'une
version digitale de la fantaisie aux fâcheuses
conséquences.
-Denis Bricnet
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